Ton âme est à moi - Partie 11

Point de vue de Bélial

Je fixe mon écran de téléphone quand ma secrétaire Paméla entre dans mon bureau. J'éteins l'écran, le pose sur mon bureau et me redresse dans mon siège.
"Salut Bélial, on a reçu une demande d'un client important, on m'a demandé de te le refiler.
- Encore ?
- T'es le meilleur pour négocier les pactes après tout.
- C'est qui cette fois ?
- Le PDG de XYZ Corp"
Je soupire. Ce sont les pires pactes à négocier. Les riches essayent toujours de nous donner une compensation pécunière ou matérielle à la place de leurs âmes. Autant on a besoin d'argent pour fonctionner, autant ils n'hésitent pas à essayer de nous rouler pour avoir tout ce dont ils ont envie. Ca ne m'étonne pas que les autres ne veulent pas se mouiller pour y aller.
"C'est bon, j'y vais... Où et quand ?
- Demain, jeudi, 9h à XYZ Corp, je le mets dans ton agenda.
- Merci Pam'. Autre chose ?
- Hum... Tu n'as pas l'air de bon poil cette semaine ?"
Elle a raison. Depuis vendredi soir je n'ai plus de nouvelles d'Emma, à part un "Merci pour tout" qu'elle m'a envoyé. Qu'est-ce qu'elle voulait dire ? Est-ce qu'elle va se suicider ? Déjà ? Je voulais la voir se battre, pas abandonner aussi vite !
"C'est rien, ça va passer. Tu peux y aller."

Je reprends mon portable et fixe le message. Ca fait cinq jours que je suis comme ça, bordel ! Je prends ma veste, préviens Pamela que je pars et vais chez Emma. Son salon est vide, le reste de l'appart aussi. Il est 18h30, elle devrait être là, non ? Elle était déjà rentrée à cette heure ci la semaine dernière. Je tourne en rond dans son salon, vois un paquet de chips et une bouteille de vin sous la table basse. Je lui avais dit de manger sainement ! Je feuillette ses bouquins en attendant qu'elle arrive. Enfin, j'entends la serrure cliqueter.

"Emma, tu étais où ?
- Mais Bélial !? Qu'est-ce que tu fais là ? Tu pourrais prévenir quand même !
- Tu ne me donne aucune nouvelle depuis vendredi...
- Tu n'as pas cherché à en prendre non plus je te ferai dire !"
Touché ! J'aurai pu l'appeler mais je ne savais pas quelle excuse utiliser. Au final je me retrouve devant elle avec les nerfs à vif, ce n'est pas tellement mieux.
"Je suis en partiel, j'ai bossé comme une dingue, je suis crevée... - m'explique-t-elle
- J'ai mal interprété ton dernier message, j'ai cru que...
- ... que je m'étais foutue en l'air ? Désolée de te décevoir, mais c'est pas pour tout de suite. Je valide mon semestre d'abord !
- Tu ne me déçois pas. - je réponds en lui caressant la tête - J'aime te voir te battre. Tu manges correctement au moins ?
- Hummm... - elle détourne le regard
- Ma puce ?
- Ca me prend trop de temps, alors j'achète un sandwich que je mange en sortant de la bibliothèque avant de rentrer réviser.
- Je t'ai dit de prendre soin de toi, non ? C'est quoi ces chips et ce vin ?
- J'ai le droit, non ? C'était juste un apéro samedi !
- Tu bois seule ?
- Non, j'ai appelé des amies sur Skype. Tu comptes prolonger l'interrogatoire longtemps ? J'ai du travail. -me répond-elle irritée
- Va bosser ma puce, je vais te préparer un truc à manger."

Je pose ma veste sur le fauteuil et pars dans la cuisine pendant qu'elle me regarde pantoise quelques secondes. Puis elle reprend ses esprits et s'installe à la table pour travailler. Je l'entends grommeler quelque chose comme quoi elle n'aime pas que je l'appelle "ma puce". Désolé, c'est trop drôle de te taquiner ! Je lui prépare rapidement du riz cantonais avec un filet de saumon poêlé. Le poisson c'est bon pour la mémoire il paraît, tout à fait ce qu'il lui faut. De temps en temps, je la regarde gribouiller des formules sur ses papiers. Elle est tellement concentrée qu'elle paraît être en transe. Par contre, elle a vraiment l'air crevée. Tiens, elle ne met plus d'ombre à paupières ? Perdu dans ma contemplation je manque de faire brûler le saumon. Je mets le tout dans une assiette et vais lui apporter.
"Le repas de Madame est servi !
- Ouah, ça a l'air bon !
- C'est mieux qu'un sandwich, pas vrai ?"

Elle continue de relire ses notes en mangeant son assiette.
"Tu vas travailler tard ?
- Je me couche vers 1h30 en ce moment.
- Fais attention à toi hein. Tu veux du thé ?
- Non merci, je ne suis pas très thé.
- Comme tu veux. Au fait, c'était quoi le livre que tu lisais l'autre jour, il avait l'air cool ? - Je regarde dans sa bibliothèque
- Twilight ? - elle rougit - Ca raconte une histoire d'amour entre une lycéenne et un vampire.
- Laisse tomber, c'est pas mon style. Cinquante nuances de Grey ? Qu'est-ce que c'est que ça, un roman policier ? Il y a des menottes sur la couverture... - Je la regarde, son visage a pris une teinte plus rouge. Je me dis qu'elle est mignonne quand elle est embarrassée.
- Non, pas du tout.
- C'est quoi alors ?
- C'est un peu hard. C'est l'histoire d'amour entre une étudiante qui tombe amoureuse d'un milliardaire, sauf qu'il est branché SM.
- Ca c'est mon truc ! - Je prends le livre, retire mes chaussures et m'allonge sur le canapé.
- Tu vas le lire maintenant ? - elle rougit encore plus.
- Oui, j'ai rien à faire d'autre. Préviens-moi juste si tu as besoin de quelque chose.
- Tu es pas obligé de rester tu sais... Si tu veux, je te le prête, tu peux l'emporter. - Elle est en train d'essayer de se débarrasser de moi là ?
- Ne t'inquiète pas ma puce, je suis bien installé ici. Concentre-toi"
Elle se retourne mais ses oreilles sont écarlates. Le "ma puce" l'a achevée on dirait. Donc Emma lit des romans érotiques, hein. Voyons voir ce que ça donne.

Au bout d'une heure, je lui demande :
"Ma puce ?
- Emma.
- C'est censé être hard ?
- Je m'appelle Emma, pas 'ma puce' ! - me lance-t-elle en se retournant
- D'accord. Emma, tu aimes bien lire des trucs hard ?" - elle redevient écarlate
- Arrête de m'embêteeeeeer - dit-elle en gémissant
- C'était trop tentant, désolé. Mais du coup, c'est vraiment considéré comme hard ? Parce que j'ai fait pire perso."
A ce moment, je l'entends hoqueter. Elle me regarde, mets les mains sur ses oreilles et s'écrie "AAAAAH JE VEUX PAS SAVOOOOOIIIR LALALA JE T'ENTENDS PAAAAAS !!" J'éclate de rire. Qui réagit comme ça ?
"Mince Emma, je ne t'imaginais pas aussi perverse !" - un crayon vole dans ma direction.
"Tu penses que je pourrais raconter mes expériences de manière romancée et sortir mon propre livre ?" - la gomme suit le même chemin que le crayon.
"Je te ferai une dédicace, ne t'inquiète pas !" - Emma se jette carrément sur moi et essaye de m'arracher le livre des mains. D'une main, je tiens le livre au-dessus de moi, de l'autre je la serre contre moi pour l'empêcher de se débattre. Je lis tant bien que mal une phrase du livre à voix haute.
" 'Il s'accoude pour que je sente le poids de'... de quoi ? Emma, arrête de bouger un peu ! '...pour que je sente le poids de son corps sur le mien'
- Arrêêêêête !!" - gémit-elle d'une voix aigüe
Je lâche le livre et la serre contre moi avec mes deux bras. Elle continue de se débattre.
"Calme-toi Emma. Tu n'es pas une machine, tu dois décompresser un peu. Ca fait cinq jours que tu bosses."
Elle arrête de se tortiller. Je la garde contre moi jusqu'à ce que je sente sa respiration ralentir. Alors je relâche mon étreinte et elle se redresse.
"Ca va mieux ?
- Pas vraiment, ça ne fait rire que toi ce genre de choses.
- Ca t'apprendra à ne pas me donner de nouvelles.
- Tu t'inquiétais vraiment ?
- Oui.
- Mais pourquoi ?"
Même moi je ne le sais pas ma puce.
"Allez, retourne bosser."

Fin de la partie 11